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Louis on the road
20 octobre 2009

Une journee en Himalaya

Sur ma demande de papier, mon hote vient de me donner un cahier decolier nepalais, a la couverture redigee en nepali et au papier dassez mauvaise qualite.

Je ne dispose en effet pas de plethore de distractions ici, a Thuman. Ayant acheve hier la premiere partie de ce tryptique trek, je viens dentamer la seconde, la plus breve (mais sans doute pas la moins interessante!). Tout a commence il y a une dizaine de jours lorsque, faisant jouer mes relations (maternelles), jai decroche un diner avec une expatriee francaise installee a Kathmandu depuis une dizaine dannees. En abordant le sujet inevitable du coin, le trekking, elle ma indique un circuit encore assez meconnu, le Tamang Heritage. Il sagit simplement dun nouvel itineraire de trek que le gouvernement nepalais (ou plutot sa branche tourisme) souhaite promouvoir ; en tant que tel, pas encore de lodges ou lieux "officiels" ou se restaurer qui rassureraient le randonneur soucieux dun chemin ainsi balise, comme on la habitue sur les Annapurnas, ou sur le voisin Langtang. Il faut bien commencer quelque part : si pas dhotel, on logera letranger chez lhabitant! Des familles se portent volontaires, on debroussaille et on pave quelques sentiers, on met les cartes de trek a jour, et voila, un nouvel itineraire est ne!

Alleche par la carte grossiere que me dessine de memoire Anne, et souhaitant prolonger le plus mon sejour dans la region, je considere la possibilite, le Tamang Heritage presentant de nombreux avantages. Il decrit une boucle depuis et vers Syafrubenshi, village-base de depart des deux autres treks ; a vue de nez, la duree totale de cette boucle semble assez breve, de deux a trois jours, ce qui convient a ma poche interieure secrete, que jai trop radinement garnie aux ATM (distributeurs de billets en anglais) de la capitale ; enfin, loin de meffrayer, les importants deniveles reportes sur le plan memoustillent : ou est linteret si ce nest que du plat? Sillonner les hauteurs en long, en large et en travers, jouant a cache-cache avec le soleil, eprouvant ma condition physique, traversant des villages ou peu detrangers saventurent encore, sans oublier le cadre : les montagnes nepalaises, tout simplement! Je nhesite donc pas une seconde. Preparatifs de derniere minute a Syafru : je fais repriser ma chemise durement eprouvee par ces derniers mois, jacquiers trois paquets de biscuits pour les gouters, et surtout les petits-dejs, hors de prix par rapport aux autres repas, et cest parti.

Lever et depart a 6h30. Je fais viser mon permis par le meme militaire que pour le Langtang, jemprunte le pont de depart de nombreux randonneurs, et je tourne cette fois-ci a gauche. Je nai pas pris quelques instants pour me reveiller, je le sens en trebuchant contre les premieres marches, faisant gemir un petit orteil douloureux (pourtant "panse" par une double epaisseur de chaussettes). Un sujet de meditation me vient a lesprit, ma vie au retour de ce voyage. Mon attention ainsi requise et fixee, ma respiration se met naturellement en place, mes jambes pourtant durement sollicitees par les dix heures de descente de la veille sentent les genoux bien huiles, les cuisses chauffant a peine, les pieds mobiles. Je me sens leger, javance vite, malgre les quelques obstacles sur mon chemin, dont le percement dune route le long de la riviere, en direction de la frontiere tibetaine, rejetant outre du materiel lourd et polluant, des monceaux de gravats que le marcheur escalade difficilement ; pour ensuite rejoindre le sentier, une tres mince bande de terre a flanc de pente ; si je navais pas vu trois jeunes Nepalais sy engager sans hesitation devant moi, je ne my serais pas meme aventure. Je rencontre quelques autres peripeties mineures, je metonne que seules trois heures se soient ecoulees, je traverse de nouveau la riviere sur un pont, et je me trouve devant la difficulte principale de la journee : six cents metres de colline a grimper, sans interruption. Le sentier semble bien trace, mes pensees mont donne du peps, on ne gamberge pas et on enchaine!

La terre est meuble, linclination de depart clemente. Comme qui dirait, "la route est droite mais la pente est raide". Jendosse mon maillot a poids du Tour de France (meilleur grimpeur) ; a ce moment precis, le soleil apparait au-dessus dun pic oppose et inonde toute la face avec laquelle je me bats. Ma chemise s inonde vite, je resiste a la tentation de lenlever en me souvenant que cest inconvenant dans ces regions (argument vite invalide, ayant du croiser une demi-douzaine dames depuis ce matin), mais surtout que cest le seul rempart qui me protege des coup de soleil contre lesquels ne manque jamais de me mettre en garde mon eminent cancerologue de papa, qui ma egalement transmis une grande surface de pif a exposer aux rayons ardents!

Je metonne, javale ca en un peu plus dune heure. Parvenu au bourg que je pense etre Dalphedi (la suite mapprendra que tel netait pas le cas), je sens vite les regards curieux et plutot amicaux dans mon dos, contrastant avec ceux des "villodges" ou lon vous accueille avec indifference, voire avec de lempressement pour que vous choisissiez leur gite. Ici, seuls "Namaste" et sourires sinceres me font face. Javise une curiosite : un demi-cercle de minces graviers soigneusement ratisses, surplombe par un imposant batiment (sans doute public : une mairie ou un bureau de developpement regional), le tout formant une place du village! Les "centres-villes" nepalais sont si rares que je my installe un moment. Lespace est occupe par une bonne quinzaine de gamins et par leur jeu, mix entre galets et petanque. Ils sont presque tous habilles traditionnellement. Quelques filles pre-puberes interrompent vite leur distraction et mabordent en sinteressant, ce sont bien des filles! au contenu de mon sac. Devant la troupe enfantine etonnamment calme, je fais naitre, tel un magicien, tour a tour etonnement devant mon parapluie replie couleur herbe ; soif deducation (du moins on lespere!) en faisant tourner les pages de mon bouquin russe (que je nai toujours pas termine, honte a moi) ; indifference devant un paquet entame de biscuits (des centaines demballages trainent dans les montagnes) ; et enfin mise en rang des jeunes filles a la vue de mon appareil photo, qui sesclaffent tout naturellement devant leur image zoomee. Un enfant-roi arrive alors, tout juste en age de tracer ses premieres lettres, vetu dor et plutot elegamment par rapport a ses comperes. Nous echangeons quelques mots en anglais (!) ; apparemment satisfait par ce premier echange, il sen va chercher un morceau de pain local (graisseux comme il se doit), et accepte lun de mes biscuits, signal pour la marmaille qui se jette sur mon paquet. On mindique gentiment un lodge (ah, quand meme!) ou dejeuner.

Le charmant proprietaire met en miettes ma decision toute recente de ne plus toucher a un dhal bhat (je ne sais pas me controler avec les mots "a volonte") en men proposant un demblee. Je me doute que le menu ne doit pas etre tres etendu et jaccepte a reculons, finalement agreablement distrait par le spectacle de ce petit homme empresse cueillant directement les patates dans son jardin, empruntant des legumes a son voisin, piochant des feuilles dassaisonnement sur le rebord de sa fenetre, sortant un sac de lentilles je ne sais dou, et puisant une enorme portion de riz dans un enorme sac pres de latre. Des amis se pointent sur ces entrefaites qui laident a patienter et a surveiller la cuisson en labreuvant genereusement de conseils, cuisson au cours de laquelle il teste souvent la chaleur de leau en... sen versant une bonne rasade sur sa main burinee! Curieusement, lassiette-resultat saverera a peine mangeable, comme quoi la cuisine maison nest pas forcement source de garantie... (je dis pas ca pour vous, maman et mamies!) Ce nest pas grave, du moins la quantite de calories ingurgitee en prevision de la suite est-elle consequente.

Les deux platees englouties, je jette un oeil a ma carte, constate les huit cents metres de deniveles positif restants, je consulte mon estomac, considere le temps de mache indique par mon hote, la position du soleil cet apres-midi sur la face de la montagne sur laquelle je me trouve, et lage du capitaine. Je tombe soudain en arret devant une chambre ou les rayons du soleil de midi atterrissent directement sur le matelas nu ; des flashes de mes siestes dijonnaises et parisiennes me parviennent, et je choisis sagement de demeurer pour la nuit, dans cet endroit si accueillant, en testant immediatement la qualite de la paillase!

Quelques heures (jours...) secoulent ; je constate par la fenetre que mon choix etait apparemment le bon : il est a peine seize heures, la montagne est deja plongee dans lobscurite ; ce naurait pas ete agreable dentamer une autre grimpette dans ces conditions. Bien, mais que faire alors, dans cette semi-obscurite, en attendant lheure de se recoucher, et apres avoir contemple tout mon soul les immensites setalant sous mes pieds? Sinstaller a la fenetre, demander un cahier, et commencer a ecrire.

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